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Photo du rédacteurDelphine Lugol

Texte de mon interview publié sur le Miaou Magazine de Noël 2022

Dernière mise à jour : 19 déc. 2022





«Je n’essaie pas de soigner une maladie, j’essaie de soigner un individu.»

«L’allopathie et l’homéopathie peuvent tout à fait travailler en harmonie.» «L’homéopathie est une médecine de l’information, non moléculaire.»



miaou: Delphine Lugol, vous êtes vétérinaire et travaillez avec l’homéopathie. Pourquoi avoir choisi de pratiquer cette spécialité en plus du métier de vétérinaire? Delphine Lugol : Avant tout, je voudrais préciser qu’il ne faut pas appeler l’homéopathie une « spé- cialité », car elle n’est pas considérée comme telle par l’Ordre des vétérinaires ni enseignée dans les écoles vétérinaires. L’homéopathie est une discipline que j’ai apprise après avoir passé mon diplôme de vétérinaire. J’ai obtenu mon diplôme à Maisons-Alfort, j’ai exercé pendant vingt-cinq ans, puis j’ai eu envie de changer de vie et de façon de travailler. Je n’étais pas tout à fait satis- faite de ce que je faisais, j’avais envie d’aller plus en profondeur. J’ai décidé d’aller chercher quelque chose de plus holistique dans les méde- cines alternatives. Je me demandais « Qu’est-ce que c’est en fait, l’homéopa- thie ? » Tout le monde connaît, mais ce n’est clair pour personne. En assistant à un congrès sur le sujet à Liège, en Belgique, j’ai découvert un univers, j’ai rencontré des gens passionnés et passionnants. C’est une façon complètement différente d’envisager l’équilibre santé/maladie par rapport à la médecine classique. Beaucoup de questions que je me posais ont été éclairées par cette façon d’appréhender la maladie : il n’y a pas d’affrontement, on travaille avec la force vitale pour un retour à la santé. Le côté holistique m’a beaucoup parlé aussi, car on étudie vraiment l’individu dans sa globalité. J’ai donc décidé d’étudier au Centre liégeois d’homéopathie. C’est une école formidable, de renommée mondiale, où tous les enseignants et administrateurs sont des médecins ou vétos bénévoles. Comme elle a été créée par un vétérinaire, il y avait beaucoup d’élèves vétérinaires, mais aussi des médecins, pharmaciens, pédiatres, psychiatres, dermatologues... Mais nous avions beaucoup de cas cliniques vétérinaires. Cependant, la théorie est toujours la même, pour les humains comme les animaux. Après mon école, j’ai proposé des consultations d’homéopathie, car cela me passionnait. Et j’avais beaucoup de demandes! Ça a vraiment été un renouveau dans ma pratique et un grand bonheur.

miaou : Qu’est-ce que l’homéopathie a changé dans votre pratique vétérinaire ? D. L. : Tout. Par exemple, je n’exerce plus en clinique en tant que salariée, je suis consultante. C’est- à-dire que je me déplace chez mes confrères ou au domicile de mes patients avec mon carnet de notes et mon stéthoscope pour une heure de consultation et d’entretien afin de cerner l’animal. Après, j’essaie de déterminer son «remède de fond », car c’est ainsi qu’on procède en homéopathie uniciste. Quand je rencontre le chat ou le chien, je parle de lui avec son propriétaire, j’essaie de comprendre à travers ses symptômes, mais aussi sa personnalité, ses goûts, ses préférences, qui est vraiment cet animal, et pourquoi et comment inverser le déséquilibre qui l’amène à expri- mer ces symptômes. Un diagnostic est posé, mais le nom de la maladie n’est pas uniquement ce que je recherche. Je n’essaie pas de soigner une maladie, j’essaie de soigner un individu. Je m’intéresse à tous ses symptômes et à sa façon d’être pour trouver une substance dans la nature qui va l’aider. Par exemple, deux chats avec une calicivirose (une stomatite très délabrante et maligne) n’auront pas du tout le même remède homéopathique, même s’ils souffrent de la même maladie. Parce qu’ils auront des manières différentes d’y réagir: avec les mêmes lésions, l’un peut souffrir énormément et ne plus manger, l’autre continuer à apprécier ses croquettes ; l’un peut sombrer dans la prostration, l’autre devenir très agité ou agressif... Contrairement à l’allopathie, où l’on recherche les symptômes pathognomoniques (spécifiques à une maladie, afin de la reconnaître), je recherche les symptômes les plus étonnants, bizarres, et leurs modalités. J’analyse ce qui est le plus particulier à l’animal, puis je vais rechercher dans la nature quelle substance provoque ces symptômes. Celle-ci, diluée et dynamisée, sert alors de remède homéopathique à cet animal-là, mais pas à un autre qui aura la même maladie.

miaou : Vous étudiez donc également le comportement de l’animal ? D. L.: Oui, ma pratique est globale, j’étudie tout, c’est ça qui est chouette. Même quand l’animal est très malade et en fin de vie, j’aime savoir quel chaton il était, qui il est maintenant, son histoire, comment il a rencontré son humain, et c’est aussi en général très agréable pour le maître. Avec lui, je parle de son animal, en plus de parler des symptômes et de ce qui a déclenché sa maladie. Est-ce que c’est un chien qui mange n’importe quoi ? Ou est-ce un chat très frileux ? Agressif ?Tout m’intéresse, je collecte tout, puis je fais ma petite enquête pour aboutir à un remède. Parce que, l’homéopathie uniciste, c’est l’homéopathie historique, inventée par Samuel Hahnemann à la fin du xviiie siècle. C’est plus profond, compliqué et subtil que l’homéopathie « à la française » quipréconise de donner plusieurs remèdes, plusieurs fois dans la journée. L’homéopathie uniciste va plus en profondeur, est plus complexe: elle consiste à choisir une seule substance pour un individu et tous ses symptômes. Après la consultation, je travaille chez moi pour trouver une substance qui correspond à tous les symptômes, et qui touche ainsi la « force vitale ». La notion de « force vitale » est très stimulante, que ce soit en épistémologie médicale et biologique ou en philosophie, avec par exemple Henri Bergson au début du xxe siècle. Elle rejoint la notion de néguentropie (qui aide à l’organisation, empêche la dégradation) du vivant, notion qui intéresse à nouveau les scientifiques. C’est cette « énergie de vie » qu’on essaie de stimuler avec le remède de fond, afin que l’organisme trouve lui-même les ressources pour guérir complètement ou pou vivre le mieux possible avec ses lésions irréver- sibles et ses problèmes incurables. C’est compliqué, parfois je tourne en rond, je ne trouve pas tout de suite la bonne substance. En revanche, quand je trouve, c’est extrêmement satisfaisant. Tous les homéopathes unicistes se disent « Mais quelle merveille ! » quand l’enquête aboutit. Quelle satisfaction pour nous, pour le maître et son animal, de lui rendre son équilibre !


miaou: Après avoir fait vos recherches, en quoi consiste le traitement que vous préconisez?

D. L. : C’est une seule substance, contrairement à l’homéopathie qu’on connaît généralement en France. C’est vraiment le remède de fond du patient, parmi deux mille substances. Par exemple, en homéopathie habituelle, on donne arsenicum album en cas de grosses diarrhées débilitantes qui sont souvent dues à des intoxications, par exemple quand un chat mange une charogne. Mais moi, ce que je vais chercher, c’est un remède pour une maladie chronique. Si c’est un animal qui est très affaibli, qui a souvent des diarrhées qui sentent très mauvais, je me dis «Tiens, ça ressemble à arsenicum album ». Si en plus, il est très agité, très anxieux, qu’il se lève la nuit, qu’il gémit tout le temps et qu’il bouge, même quand il est malade, ça, c’est arsenicum album. C’est le même remède, mais envisagé comme remède de fond. Je vais le lui administrer, et si c’est le bon traitement, il va effectivement calmer ses diarrhées, comme sur un cas aigu, mais aussi calmer son anxiété la nuit. Il va soigner ses problèmes physiques, mais aussi l’équilibrer au niveau men- tal. On ne va pas le transformer, mais si c’est bien son remède de fond, il sera plus équilibré psychi- quement et physiquement. Cette substance, on va la lui donner régulièrement tout au long de sa vie en différentes dilutions pour qu’elle rééquilibre ses problèmes chroniques. C’est son remède constitutionnel. C’est aussi pour cela que l’ho- méopathie uniciste est très intéressante sur le long terme.

miaou : Ces remèdes n’ont donc pas la même dilution qu’en homéopathie classique, c’est bien cela ? D. L.: Ce sont de hautes dilutions en général. Les dilutions ont été déterminées de façon empirique. On a constaté qu’en général, les basses dilutions (4,5 ou 7 CH*) sont utiles sur les problèmes aigus, les intoxications par exemple. Quand on com- mence à utiliser de très hautes dilutions, et que c’est le remède qui correspond au patient ou qu’il s’en rapproche, cela va aller en profondeur dynamiser sa force vitale. L’information que contiennent ces hautes dilutions est très puissante, il faut donc faire attention de ne pas en abuser, parce qu’elles peuvent créer des symptômes. C’est d’ailleurs ainsi qu’on expérimente un remède homéopathique : il crée des symptômes quand on le prend trop sou- vent en haute dilution, et ce sont ces symptômes qu’il guérira chez un individu malade. D’où le nom « homéopathie » (du grec homéo- « semblable » et -pathie, « ce qu’on éprouve », soit «traiter par le semblable »). C’est pourquoi on cherche d’abord le remède de fond en le donnant à des dilutions basses ou moyennes pour ne pas créer trop de déséquilibres dans le cas où ce ne serait pas la substance adaptée. Une fois qu’on pense avoir trouvé la bonne substance, on augmente les dilutions et on fait un travail en profondeur. Par exemple, avec un seul granule de 30 CH pris une seule fois un seul jour, on peut déjà avoir un effet qui dure sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois. C’est très précis, subtil et puissant, à condition de trouver le bon remède.

miaou : Certains articles mettent en doute les effets de l’homéopathie. Pensez-vous que c’est parce qu’on ne comprend pas comment elle agit ? D. L.: L’homéopathie reste encore très mystérieuse, on continue à se demander comment ça marche. Il y a des pistes et des réponses, notam- ment avec la théorie physique des domaines de cohérence et la théorie quantique des champs. Les gens affirment souvent que cette discipline n’est pas prouvée scientifiquement, mais on a beaucoup avancé sur ce sujet. Ceux qui n’ont pas très bien compris ce qu’était l’homéopathie ont deux types d’arguments. Premièrement : « On ne comprend pas comment cela fonctionne». Bien sûr, il existe encore des mystères à propos du vivant, et alors ?

En tout cas nous, les homéopathes, vérifions sur nous les effets des remèdes par des études à l’aveugle avec de hautes dilutions pour voir quels symptômes appa- raissent. Cela fait partie de notre travail d’homéo- pathes de participer aux études et à la recherche sur de nouveaux remèdes, affiner les anciens... Notre discipline évolue en permanence. Deuxièmement, l’argument : « Cela ne fonctionne pas.» Si une personne exprime cet argument, c’est peut-être parce qu’elle n’a pas reçu un traitement assez individualisé. Par exemple, si quelqu’un essaie une automédication en se disant « Il paraît que Belladonna est bien pour les angines, je vais essayer », le traitement ne va pas fonctionner s’il n’a pas spécifiquement une angine Belladonna, c’est-à-dire avec, entre autres, une douleur insupportable et une énorme fièvre. Même comme ça, en basse dilution, pour traiter du tout venant en phase aiguë, c’est quand même assez exigeant, et il faut toujours une petite individualisation. Avec de la pratique, les mamans ou les propriétaires d’animaux qui s’intéressent à l’homéopathie arrivent à bien utiliser les remèdes en aigu et en basse dilution. En revanche, en haute dilution et en homéopathie uniciste, cela ne marche pas à chaque fois, car, il faut l’accepter, c’est une enquête. On recherche une aiguille dans une botte de foin. Il faut avoir un bon feeling, une très bonne connaissance de la matière médicale, une méthodologie précise et scientifique. Il faut aussi être perspicace et avoir envie de persévérer si ça ne marche pas du premier coup. Heureusement, très souvent les résultats arrivent rapidement, c’est très gratifiant. Certaines personnes s’arrêtent en chemin, n’ont pas envie de continuer et sont déçues par la difficulté. Ce sont peut-être celles qui disent que cela ne marche pas. Je suis amenée à faire moins de médecine classique, mais je respecte toujours cette pratique, et je trouve que l’allopathie et l’homéopathie peuvent tout à fait travailler en harmonie.

miaou : Vu la durée des traitements, les gens qui font appel à vous ne le font-ils pas plus souvent pour des maladies chroniques? Une fois qu’ils ont tenté plusieurs traitements avec l’allopathie par exemple? D. L. : Oui. Quand on trouve le remède, c’est aussi bien pour soigner un petit bobo qu’une maladie chronique invalidante. On peut aussi soigner des comportements, comme un chat qui bloque l’entrée de la litière à ses congénères, des situations invivables pour lesquels les psychotropes ou d’autres médicaments sont efficaces, mais peuvent avoir des effets secondaires ou ne pas être satisfaisants pour certaines personnes... Alors quand je trouve le fil rouge qui relie les symptômes, le caractère, le comportement, j’ai juste à donner un granule et j’obtiens des résultats. Encore hier, j’ai eu des nouvelles d’un patient, un chat agressif pour lequel j’ai eu des résultats en quelques jours, qui s’est calmé et pour qui tout va bien depuis un mois ! Les effets peuvent être spectaculaires et très rapides. Ce n’est heureusement pas long et poussif à chaque fois, dans la plupart des cas l’enquête aboutit vite.





miaou : Le chat est un animal assez difficile à soigner. Proposer aux propriétaires de n’avoir plus qu’un granule à lui administrer doit leur changer la vie ? D. L. : Oui, tout à fait ! Mais avant d’arriver à cette étape, pendant la phase de recherche du traite- ment, il faut quand même commencer en moyenne dilution par des prises régulières. J’établis d’abord un protocole avec un granule de 9 CH par jour pendant 5 jours et je vois comment cela évolue. L’homéopathie est une médecine de l’in- formation, non moléculaire. Avec les dilutions successives, il n’y a plus de molécules chimiques, mais le support reste informé par la substance au niveau quantique, vibratoire. On donne un granule, parfois même quelques gouttes d’un granule dilué dans de l’eau dans la pâtée une fois par jour, et cela suffit. C’est très pratique au niveau de « l’observance », c’est-à-dire quand le patient doit prendre son traitement très régulièrement.

miaou : Pour certaines vous travaillez main dans la main avec le vétérinaire traitant ? D. L. : Oui, je veille toujours à ce que l’animal garde son vétérinaire traitant, et éventuellement ses traitements de médecine classique. L’homéopathie ne peut pas remplacer tous les traitements, chirurgies ou hospitalisations, loin de là, sans parler des diagnostics! C’est une discipline complémentaire de l’allopathie. J’ai besoin de travailler avec mes confrères et leurs différentes spécialités. Chaque pratique de l’allopathie a sa raison d’être, sa façon adéquate d’être utilisée... tout le monde a sa place.

miaou : Sur votre vous proposez également vos services pour soulager les animaux en fin de vie. D. L.: Oui, c’est très important pour moi. Je m’en rendais compte quand je travaillais plus classiquement en clinique : proposer une euthanasie, en parler aux propriétaires, déculpabiliser les maîtres, trouver le bon moment, sentir si l’animal est OK ou pas... c’est difficile. Je veux essayer de faire en sorte qu’il n’y ait pas que la tristesse, mais plutôt des derniers moments de partage. Quand on arrive à transformer la culpabilité en respon- sabilité, cela libère l’amour, la profondeur. Avec mes granules, je peux essayer de faire en sorte que ce dernier moment comporte moins de souffrance et d’anxiété pour l’animal. Pendant les dernières semaines de la vie de l’animal, il se passe des choses pour lesquelles je peux accompagner et qui concernent la relation entre le propriétaire et l’animal. Si ce dernier ne souffre pas trop, une acceptation s’opère des deux côtés et le départ se fait de façon beaucoup plus apaisée. C’est tellement important, unique dans une vie. Je m’engage à faire de mon mieux dans ces moments-là aussi.

Je voulais ajouter en conclusion qu’actuellement, l’homéopathie est à nouveau en plein essor auprès du grand public, malgré les pressions inverses des instances médicales. Notamment en médecine rurale où le retour, dans certaines exploitations agricoles, à un peu plus d’humanité et un peu moins de produits chimiques amène de nombreux éleveurs à suivre des formations afin d’être autonomes dans les cas les plus cou- rants. Je vous remercie de m’avoir offert l’occasion d’expliquer à vos lecteurs en quoi consiste réel- lement cette médecine et ainsi de participer à mon échelle à ce renouveau qui est tellement positif pour les animaux et les humains !

Propos recueillis par Isabelle Collin, retranscrits par Louise Dupuich.

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